Le bois de bouleaux

Thanatos, Jacek Malczewski, 1898-99.

Il posa ses mains sur le clavier et les regarda machinalement. Puis, il s’aperçut que ses doigts s’étaient beaucoup amincis, qu’ils étaient en fait extrêmement maigres. Rien que cela lui aurait suffi pour savoir qu’il approchait de sa fin, mais il préféra ne pas s’attarder à cette pensée. Au contraire, il se mit à songer à une longue vie.

Puis, il joua sa chanson hawaïenne préférée, celle que l’on jouait lorsqu’il dansait avec miss Simons. Il se souvenait à merveille de ce moment-là. Mais maintenant, il lui arriva ce qui ne lui arrivait que rarement, et uniquement lorsqu’il écoutait un chant exotique. Il ressentit, avec un frisson profond et froid, l’immensité des choses lesquelles il ne verrait jamais. Lire la suite → de « Le bois de bouleaux »

Août

Nature morte aux pastèques, Józef Pankiewicz,1909.

En juillet, mon père allait aux eaux, en nous laissant, ma mère, mon frère aîné et moi, livrés en proie à l’étourdissante incandescence des jours d’été. Grisés de lumière, nous fouillions dans le grand livre des vacances, dont chaque page brillait d’un éclat flamboyant et renfermait, cachée tout au fond, sucrée à faire défaillir, la chair des poires dorées. Lire la suite → de « Août »

La hacherade

Ruisseau forestier, Ferdynand Ruszczyc, 1900.

Quelques jours passèrent, comme l’écrivent les romanciers. De cette manière, avec une seule phrase, ils croient régler la question de ces jours-là, question que, quels qu’ils soient, d’ailleurs, ces jours-là – sans couleur, sans contenu, sans amour, à la limite –, il est impossible de régler d’une seule phrase, d’un seul trait, d’un petit geste de la main, d’un mouvement léger et gracieux, comme on prend un chat pour le mettre sur ses genoux. Et moi, qu’est-ce que je fais, moi, sinon la même chose ? Lire la suite → de « La hacherade »

La poupée

Un moment de repos, Władysław Czachórski, 1890.

Puis, de nouveau, après avoir expédié en quelques heures les affaires de Suzin, il déambulait dans Paris. Il errait dans des rues inconnues, se noyait dans une foule innombrable et plongeait dans le chaos apparent de choses et d’événements, au fond duquel il découvrait un ordre et un principe sous-jacents. Ou encore, pour se changer les idées, il buvait du cognac, jouait aux cartes ou à la roulette, ou se livrait à la débauche. Lire la suite → de « La poupée »

Nuits et jours

Dans le jardin, Władysław Podkowiński, 1892.

Eh oui, s’étant mariée sans amour, elle pouvait certainement remercier le ciel de l’avoir épousé lui, Bogumił. Il était sa consolation, son refuge contre les cauchemars ; c’était lui qui l’entourait de l’admiration et de la reconnaissance dont elle avait besoin. Et lorsque, parfois, elle se reprochait d’être une piètre ménagère, il répondait qu’il s’en fichait pas mal. Lire la suite → de « Nuits et jours »