Caro

Tout avait commencé de manière bien ordinaire. C’était toujours pareil, un jour de déménagement. Tout le monde s’était levé beaucoup plus tôt que d’habitude, le petit-déjeuner avait été rapidement expédié, sans que personne veille à ce que Caro boive son lait, et tout de suite après étaient arrivés des hommes en salopettes bleues, qui s’étaient mis à emporter les caisses pleines de livres et d’autres objets ainsi que les meubles. C’est alors qu’on se rendit compte que, d’abord, à l’endroit où avait été placée l’armoire à livres, le mur était beaucoup plus clair qu’ailleurs dans la pièce, puis, que derrière le vieux panier rempli de chutes de tissus et de vieilles robes de maman, des souris s’étaient fait un drôle de petit nid gris, maintenant complètement déserté, et enfin, que dans une fissure dans le plancher, là où s’était trouvé le buffet, bleuissait une perle, ovale comme une graine de haricot.

Comment avait-elle pu atterrir ici ? C’était un mystère, car ni Caro, ni maman, ni tante Agathe n’avaient jamais porté de perles pareilles. Caro voulut absolument sortir la perle de sa fissure, tellement elle lui parut jolie, mais la seconde d’après oublia de le faire ; c’était toujours comme ça, lorsqu’on déménageait : il n’y avait de temps pour rien, tout le monde était pressé – Dieu sait pourquoi ! – et énervé, et ne cessait de répéter « Caro, arrête de nous déranger ! ». Elle s’en souvint seulement au moment de prendre le taxi pour aller au nouvel appartement avec tante Agathe, alors que le taxi les attendait déjà devant la maison.

Dans la cour, sans tenir compte des cris indignés de tante Agathe, elle fit demi-tour et se précipita dans la pièce, maintenant totalement vide, jonchée de papiers déchirés et de paille pour emballer le verre et de poussière. Elle regarda autour d’elle, inquiète, mais aussitôt poussa un soupir de soulagement : la perle bleuissait toujours dans la fissure poussiéreuse du plancher. On pouvait même dire qu’elle brillait d’un éclat d’une étrange beauté. Elle lui sembla encore plus jolie qu’avant. Promptement, Caro se mit à genoux, prit une écharde qu’elle trouva à côté et délogea la perle de sa fissure.

« Caro ! » retentit le cri perçant, désespéré, de tante Agathe.

« J’arrive ! J’arrive ! » répondit Caro en dévalant l’escalier. Elle serrait la perle fort dans sa main, de peur de la perdre. Et bien que tante Agathe fût très fâchée de la voir partir « chercher on ne sait pas quoi », Caro était extrêmement heureuse. Dans sa main serrée, elle sentait l’ovale dur de la perle. « Bon Dieu, dépêche-toi, la gronda tante Agathe. Nous devons immédiatement aller rue des Fleurs. » « Monsieur, dit-elle au chauffeur de taxi, emmenez-nous au 20 rue des Fleurs ! Le plus rapidement possible ! »

Le chauffeur de taxi se retourna, fit un clin d’œil complice à Caro, vérifia que la portière était bien fermée et répondit allégrement : « Allons-y donc ! ».

Open book icon Karolcia (Caro), Maria Krüger, 1959.
Person pin icon Extrait traduit du polonais par Monika Szymaniak.
Image icon Caro avec la perle bleue. Illustration de Halina Bielińska.